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La relation humaine reprend ses droits

La crise sanitaire a bouleversé nos habitudes de consommation et accéléré la digitalisation du commerce, tout en réaffirmant l’importance du magasin et de la relation humaine. Néanmoins, la 8e édition du rapport 2022 » Innovate Service Centric « de l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance montre que le point de vente doit repenser son rôle pour faire face à ses nouveaux concurrents.

Deux ans après le début de la pandémie, crise qui a bouleversé ses habitudes de vie, le consommateur a pris conscience de l’intérêt du digital pour les achats qu’il considère comme corvée. Si l’an dernier, confiné à son domicile, il n’a eu d’autres choix que d’acheter en ligne, cette contrainte semble bel et bien devenue aujourd’hui un choix assumé, en témoigne d’ailleurs la poursuite de la croissance du e-commerce. » Il ne perd plus son temps en corvée. Ce gain de temps, il peut ensuite le réinvestir pour sa consommation plaisir « explique Matthieu Jolly, Responsable Innovation et Services chez l’Echangeur BNP Paribas Personal Finance en présentant les tendances de la 8e édition du rapport Innovate Service Centric, dédiée à l’expérience client et l’innovation de service.

Si les enseignes ont, ces dernières années, surtout investi dans des solutions de paiement et la réduction des files d’attente en caisse, l’heure est donc venue de se pencher sur la livraison des commandes. Aux Etats-Unis par exemple, les points de vente de l’enseigne Target deviennent des entrepôts du dernier kilomètre. Surtout, la livraison n’est plus un parent pauvre de la relation client mais en devient un élément fondamental, le livreur étant le premier et dernier point de contact physique avec la marque. Chez System U, ce dernier est devenu un ambassadeur de l’enseigne, en mesure de valoriser l’offre auprès de ses clients, lors de la remise des commandes effectuées en ligne et de l’encaissement. De nouveaux acteurs sont également apparus, se disputant le marché du » Quick Commerce « et de la livraison des courses en moins de dix minutes, ainsi que de nouvelles solutions, comme les livraisons de colis chez un voisin référent qui devient un point relais accessible facilement, et quasiment chez soi. » Le temps de lautomatisation semble loin et probablement relégué aux achats corvées. Dès lors que la notion dachat plaisir est présente, la relation humaine reprend ses droits. «

Des m2 à louer

Un peu plus d’humain chez les uns, d’accélération de la digitalisation chez les autres, la frontière entre offline et online a incontestablement explosé avec la pandémie. Les réseaux sociaux deviennent des plateformes transactionnelles, proposant aussi d’être accompagné par un conseiller, démarche que l’on retrouve sur les sites internet des marques et enseignes. BoConcept propose à ses clients de parcourir sa boutique en réalité virtuelle, avec la possibilité d’en savoir plus sur les pièces exposées en cliquant sur une pastille jaune et de contacter des équipes magasins et des décorateurs d’intérieur. Par ailleurs, en avril dernier, Snapchat s’est offert l’application Screenshop qui permet à l’utilisateur de prendre en photo une tenue dans la rue et d’obtenir en temps réel des recommandations de vêtements similaires via les partenaires de l’application. Et, les surfaces vitrées des écrans ne sont plus seulement tactiles mais sensorielles, cherchant à reproduire le toucher. » Le digital reprend les codes du monde physique. «

Autre approche, aux Etats-Unis, de jeunes marques issues du web, des Digital Native Vertical Brands, s’installent dans des corners au sein de points de vente traditionnels. » L’objectif des enseignes est de renouveler l’offre, en intégrant les nouvelles tendances plus durables et de montrer qu’elles sont un vendeur d’audience pour ces DNVB. La petite marque bénéficie ainsi des flux de la clientèle de l’enseigne et le magasin loue ses m2. «

De nouveaux formats de vente

Si, la crise a finalement éloigné les menaces autour du point de vente, le rôle de ce dernier doit être repensé, pour faire la différence face aux canaux de vente digitaux. Grand gagnant de la crise sanitaire, le modèle low cost bénéficie encore d’un flux clientèle important et n’est pas vraiment incité à engager sa transformation. En revanche, ailleurs, les clients se raréfient, raison pour laquelle, de nombreux tests de concept ont vu le jour qui, tous, cherchent à répondre aux futures aspirations des consommateurs.

Le rapport » Innovate Service Centric « distingue différents nouveaux formats de vente. Le style » Brocante « est le haut lieu de l’économie circulaire, parfois dédié à la seconde main à l’image de ReTuna, en Suède. Sur 5 000 m2, ce centre commercial, situé à côté d’une déchetterie, propose exclusivement des produits de seconde main de toute sorte. Dans le magasin » Bibliothèque «, le consommateur vient se servir ou emprunter un produit. Il répond à ceux qui veulent moins de produits chez eux ou souhaitent en changer plus rapidement. » Derrière le produit, l’idée est de préserver la relation client, avec la notion de durabilité. « En Belgique, Decathlon teste We Play Circular, une plateforme de location concernant l’ensemble de ses articles, moyennant un coût de 5 euros/mois. » Avec ce test, Decathlon change de modèle. Elle ne vend plus des produits mais un service daccès aux équipements sportifs. Lentreprise en conserve la propriété ainsi que lentretien ou la réparation, ce qui lui permet dallonger au maximum la durée de vie de ses articles pour les rentabiliser. «

Avec le modèle » Media «, le distributeur devient non plus une marque qui détient des magasins et communique sur des médias, mais bien comme un média déclinant une marque et possédant des magasins. Dans un contexte de forte concurrence, la marque de prêt-à-porter féminin Don’t Call Me Jennyfer a par exemple lancé un magazine digital sur TikTok et propose chaque jour un contenu d’une minute pour être proche de ses jeunes clientes. S’y ajoutent la diffusion de live-shows et l’installation en point de vente d’espaces pour tourner des vidéos TikTok. Le magasin » Club « propose, lui, un programme d’abonnements et fédère une communauté autour d’un espace de vie : un bar, de la détente, une galerie, etc., des moyens efficaces pour engranger du revenu et maintenir une clientèle captive. » Le bien ne devient plus aussi important que le partage des valeurs d’une marque, le produit n’est plus au coeur de la relation. «

Le modèle » Carbone « donne les moyens au consommateur de comprendre l’impact de sa consommation. » Les premières entreprises qui feront le choix d’étiqueter leurs produits avec des étiquettes » empreinte carbone « feront preuve de transparence et dhumilité. C’est ensemble, enseigne et consommateur, que chacun progresse et comprend comment nos choix affectent la santé de notre planète. « Pour finir, le magasin » Market place « est un lieu de découvertes. Il se transforme en marketplace physique pour de nouvelles marques plus durables, bien au-delà des corners de marques et autres shop-in-shop puisque le consommateur ne vient plus tant acheter un produit que des valeurs, des aspirations à consommer dans lesquelles il se retrouve. » A mi-chemin entre un modèle achat » corvée « et achat » plaisir «, l‘achat » impliquant « est en plein boom. On assiste à l‘émergence dun commerce communautaire, regroupant des individus différents mais liés par leurs aspirations. «

Consommation positive

Le consommateur a compris qu’avec sa carte bleue, il pouvait être acteur du changement en investissant auprès d’enseignes et de marques dont il partage les valeurs. » Ainsi, les acteurs du commerce doivent sinterroger et apporter des réponses à ces enjeux majeurs. L‘économie circulaire est une vraie opportunité de business car les enseignes ne captaient plus le chiffre daffaires réalisés sur le Bon Coin, Vinted ou Ebay. « On le voit bien, avec l’arrivée de la seconde main au sein des magasins et en ligne, les enseignes encourageant leurs clients à venir déposer en point de vente leurs articles d’occasion en échange d’un bon de réduction. Le bénéfice est évident. Chaque pièce génère non pas une, mais deux visites en magasin, lorsque le premier client dépose un article puis quand le second vient l’acheter. » Pour lheure, le client recherche avant tout un bon plan ou une réduction en échange de son comportement vertueux. Si la seconde main représente un potentiel marché alléchant, les distributeurs sont aussi confrontés au problème de sourcing. « Comment se procurer en nombre des produits en bon état pour les réinjecter dans les canaux de vente sans perdre trop d’argent en remise en état ? Certains, comme Darty, font tout simplement le choix de vendre d’occasion des produits neufs en puisant dans le stock des articles retournés par un client acheteur sur internet. Ikea aux Etats-Unis propose une aide au démontage pour la revente de ses produits.

Si l’économie circulaire s’est au départ construite autour de trois R – Réduire, Ré-utiliser et Recycler-, un 4e R s’y adosse aujourd’hui : » Régénérer «, c’est-à-dire consommer tout en contribuant à régénérer la planète. C’est l’objectif que s’est fixé la marque anglaise Sheep Inc. qui produit des pulls qui capturent plus de CO2 qu’ils n’en émettent.

Pour les acteurs historiques intervient toutefois la question de la légitimité. » Sinon, les grandes gagnantes risquent d’être de nouvelles marques, sorties de nulle part, disposant dun ADN durable et responsable. « Ikea, en Suède, avec son projet » Strömma «, devient fournisseur d’électricité verte. Pour être associées légitimement à l’économie circulaire, certaines s’engagent de façon radicale. Ainsi, au Brésil, un fabricant a indexé le prix de sa bière sur la déforestation. Aussi à certains moments, le prix augmente fortement de façon à sensibiliser le consommateur. De son côté, Adidas qui s’est engagée d’ici 2024 à produire l’ensemble de ses articles, des maillots de courses aux chaussures de sport, exclusivement à partir de polyester recyclé, travaille depuis 2015 avec une ONG de défense de l’environnement sur le programme End Plastic Waste. Afin d’impliquer sa communauté de fans, la marque a également installé dans son flagship de New York des bornes de recyclage de bouteilles en plastique. » La question pour les marques, c’est comment résister à ces rouleaux compresseurs qui arrivent de nulle part. Etre une marque forte, c’est générer une préférence dans l’esprit du consommateur tout en était moins disante, par exemple en termes de prix. «

Au-delà de faire du bien à la planète, l’économie circulaire répond aux attentes de consommateurs sous tension budgétaire, phénomène renforcé par la crise. A la Madeleine, Ikea a mis en place un code explicite : vert pour l’économie circulaire et jaune pour le prix. Cette tension sur le pouvoir d’achat révèle une autre tendance : le consommateur devient marchand en vendant et animant sa boutique sur les plateformes de C2C. Le consommateur-trader est même en train d’émerger pouvant acheter et revendre ses sneakers selon leur cote ou encore profitant des nouveaux goodies de Mc Donald’s. L’enseigne de fast-food a effectivement lancé une collection de NFTs (Non-Fugible Tokens), des jetons virtuels dont la valeur augmente avec le temps.

Puisque consommer aujourd’hui, c’est acheter juste, sont arrivées aussi des formules d’abonnement correspondant à des moments de vie, comme les vêtements de maternité chez Kiabi. C’est également acheter au juste prix: Intermarché offre une remise de 5% à ses clients dont le quotient familial est inférieur ou égal à 700€. » La réparation est une autre solution qui permet de redonner du pouvoir dachat au consommateur tout en luttant pour la fin de lobsolescence programmée « explique Elisabeth Menant, analyste tendances Innovate Service Centric. Par exemple, avec l’offre Darty Max, le client peut faire réparer tous ses appareils, qu’ils aient été achetés ou non dans l’enseigne.

Le service, fer de lance de la relation

Ce commerce en relation permanente avec ses clients, à grand renfort de datas dont l’exploitation doit permettre de mieux répondre à leurs besoins, même latents, dispose d’un fer de lance, le service, qui offre de nouvelles opportunités de contacts. Même Amazon développe des services qui, s’ils ne sont pas révolutionnaires, montrent l’importance de cette tendance. Le client peut ainsi demander à ce que les étagères qu’il vient d’acheter soient livrées et montées, à la faveur du nouveau service premium, payant, qui inclut la prestation de montage par les livreurs. Un raccordement des appareils électroménagers serait aussi à l’étude.

Aujourd’hui, le client n’attend pas simplement d’être accompagné pendant son achat, il veut, comme on l’a vu, que la marque l’aide dans sa vie quotidienne et tous ses moments de vie sont propices à une entrée en relation avec lui. » La relation avec le consommateur prend désormais une nouvelle dimension : tiers de confiance, les marques et les enseignes évoluent en plateformes de services capables daider leur client bien au-delà de leur seul métier dorigine pour bâtir une relation forte et pérenne sur le long terme. « Si dans son flagship parisien, Monoprix a déployé un service de lâcher de chariot, le chariot étant scanné par les équipes du magasin, mis en paquets, livré au domicile du client, puis réglé, l’enseigne a mis en place une plateforme de services (pressing, babysitting…) sur abonnement. » Résoudre les ‘pains points’pour faire acheter le client, c’est du court terme. On ne crée pas de différence, on se met simplement au niveau de ses attentes. Il faut créer une émotion à moyen/long terme pour créer de la préférence dans lesprit du consommateur. « Les enseignes ne peuvent donc plus user de stratagèmes de communication. » Plus que jamais elles doivent travailler leur politique dinnovation autour de deux axes : leur métier daujourdhui pour lequel elles doivent viser l‘excellence opérationnelle pour maximiser leur chiffre daffaires à court terme, et leur métier de demain afin de se singulariser des concurrents directs et indirects en créant une préférence client grâce notamment à des services engageants « conclut Matthieu Jolly.

Par Agnès Richard

Service de la rédaction

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