A l’occasion de la présentation presse des nouvelles collections de l’enseigne, Marc Daeffler, nouveau directeur général de Fly, dresse un bilan à mi-parcours, du travail de refonte profonde qui lui a été demand&e
Le nouveau directeur général de Fly, nommé en février 2012, a déjà un beau parcours derrière lui, dont notamment un passage à la direction de Media Markt-Saturn. Il n’est donc pas sorti du sérail alsacien, Mobilier Européen, dirigé par la famille Rapp. Univers Habitat : Pouvez-vous nous rappelez en quelques mots l’histoire de Fly ?
Marc Daeffler : C’est une success story ininterrompue de 30 années de croissance (1978 – 2008), sur le marché du « Jeune Habitat », ou l’enseigne était quasiment seule. En 2008, le co-fondateur et développeur de Fly, Marc Bisch, quitte l’enseigne et la nouvelle direction en place n’a sans doute pas vu venir la crise et l’apparition de nouvelles concurrences. L’enseigne a manqué de réactivité sur son modèle économique, son concept, sa logistique et peut-être aussi, sur l’assortiment de ses collections. Trois ans après, nouveau changement de direction générale, et mon arrivée en février 2012, avec une feuille de route très simple : redresser l’entreprise, relancer l’internationalisation et déboucher sur un réel modèle économique.UH: Justement, Fly a pris un virage important après les difficultés vécues par bon nombre d’adhérents. La mise en scène de l’offre, notamment, a été complètement repensée.
MD: Le constat, au départ, était simple. Fly dispose de 3 formats de magasins et également de 3 types de collections : Nature, Pop et Design. En-dessous d’une certaine superficie, il est très difficile de faire cohabiter trois types de collections avec autant de catégories de produits. Mon 1er diagnostic s’est donc porté sur l’analyse de l’offre au regard de ces différents formats. Désormais ce ne sont plus les achats qui décident de l’offre, mais l’offre qui propose aux achats, par recommandations. Nous construisons les collections à partir des petits magasins et non plus le contraire. Le format minima détermine l’assortiment, qui doit être absolument présent dans tous les formats et ensuite ajusté par catégorie, jusqu’aux plus grands magasins.
Ensuite le 2e point sur lequel nous avons travaillé, c’est le concept des modèles économiques. Nous pouvons avoir de beaux magasins, comme celui de Pontault-Combault (77), qui est une réussite, tant visuelle que sur la perception de la modernité ou même la valorisation des produits. Par contre, il y a manqué une méthodologie, dans la construction de l’offre et de la rentabilité. UH: Vous vous êtes donc appuyés sur un « magasin laboratoire », destiné à tester les différents aménagements de l’offre en point de vente…
MD: Effectivement, c’est un magasin de la région de Saint-Brieuc (22), où nous avons mis tout le savoir-faire historique de l’entreprise, ajouté au savoir-faire des nouvelles équipes, notamment pour l’offre. Nous avons aujourd’hui un magasin de 1 400 m², sur lequel nous avons fait des choix très forts en termes de lisibilité d’assortiments, facilité de circulation, allocation des mètres linéaires et des mètres carrés par catégorie. Nous avons défini les rôles de chaque catégorie, positionné les marges, les chiffres et les volumes, et à partir de là, fait pivoter le magasin dans un sens complètement différent. De plus nous avons ouvert les univers, sans transition (la spécialité de Fly était de mettre des cloisons partout). Nous avons revu également la superficie de la boutique et du libre-service, tout en prenant parti pour des catégories. En-dessous de certains formats, il y a des catégories que l’on retire des magasins, au profit d’autres que l’on sur-développe. J’insiste bien sur le fait que l’on travaille format par format.UH: Justement, quels sont ces formats ?
MD: Nous avons trois formats de magasins : de 1 400 à 1 800 m², de 1 800 à 2 800 m² et au-delà un format qui peut atteindre 6 000 m². Sur un magasin de 1 400 m², nous avons décidé de réduire le lit enfant à sa plus simple expression, ne gardant que les « best ». Nous avons aussi réduit de façon significative l’espace bureaux et armoires et nous avons revu la chronologie des implantations et des matières pour les canapés. Nous avons donné une emphase à la famille tables et chaises et fortement développé la literie, les décorations et créé un nouvel univers, « le cycle de rangement », qui fait le lien entre les armoires et la boutique. UH: Que représente la literie dans votre concept de magasins, en termes de visibilité dans l’offre et de chiffre d’affaires ?
MD: Cela reste un secteur stratégique et le chiffre d’affaires demeure significatif, environ 7 à 8 %. Bien sûr, nous travaillons avec les marques. Je pars du principe que ce sont elles qui apportent de la valeur ajoutée, de l’innovation et qui portent la communication et le marché. On a un vrai intérêt à avoir des partenaires forts. Mais nous lançons, d’ici quelques semaines, une gamme MDD en literie et accessoires de lit, pour partie fabriquée en France.UH: Fly dispose aujourd’hui de 137 magasins. Etes-vous satisfait de la couverture nationale de l’enseigne ?
MD: Raisonnablement, je pense qu’il y a la place pour une bonne quinzaine de magasins supplémentaires. Mais nous sommes moins à la recherche du m² à tout prix, que de la croissance rentable. Avant de recommencer à ouvrir des magasins, nous voulions être sûrs des forces de notre nouveau concept. Maintenant je pense que nous avons une belle histoire à raconter à nos clients. UH: Combien de magasins intégrés ?
MD: Nous avons 61 magasins en France, 19 en Suisse plus 2 en Espagne, soit un total de 82 magasins dont 55 franchisés.UH: De quelle manière les franchisés ont-ils adhéré à la nouvelle dynamique de l’enseigne ?
MD: Nous avons déjà 14 magasins franchisés qui ont entamé un travail de remodeling sur la base de ce que nous avons fait à Saint-Brieuc.
Nous savons que sur certaines catégories, en travaillant plus nos collections dans une orientation design-contemporain accessible, nous allons véritablement marquer une différence et notre territoire. Je considère qu’aujourd’hui, par rapport à Ikea, Maison du Monde, But et Confo, nous devons être capables de nous repositionner clairement. Lorsque nous avons fait notre étude clients, nous nous sommes rendus compte que les consommateurs avaient du mal à nous positionner sur une échelle de style, d’où cette volonté de le travailler fortement et de réintégrer des équipes de stylistes. UH: C’est un changement de culture pour l’enseigne. Le design, très souvent, a un prix…
MD: Je veux être clair sur ce point : nous voulons que nos produits restent accessibles. Davantage de design ne signifie pas forcément des prix plus élevés. Il faut que l’enseigne achète mieux. Pour cela, nous avons décidé de sourcer de plus en plus nos produits en direct et d’aller challenger des fournisseurs directement en Europe ou en Asie.
On est en train aujourd’hui de rééquilibrer notre portefeuille de fournisseurs, en privilégiant l’Europe et un peu moins l’Asie, pour des raisons évidentes de proximité. Cette nouvelle démarche nous a d’ailleurs permis, sur l’expérience de Link, le canapé avec 10 000 combinaisons, d’identifier d’autres catégories sur lesquelles, cette année, nous proposons de la personnalisation : les chaises, les bureaux, les lits et têtes de lit. Nous avons déjà des projets pour 2014. Nous allons permettre à nos clients d’être beaucoup plus libres dans le choix de leurs produits et des combinaisons possibles.UH: Comment voyez-vous l’évolution du marché du meuble ?
MD: Mon constat est que le meuble est un marché stable, depuis quasiment 15 ans en France. Aussi, il faut trouver pour chaque enseigne un style qui évite la cannibalisation. Ce dont je suis sûr, c’est que sur le marché du design-contemporain accessible, Fly peut se créer une place à part assez rapidement, sous réserve, bien entendu, que nous réussissions l’exercice de style et de prix que nous avons entamé depuis 7 à 8 mois. Les premiers résultats des magasins « remodelés » sont en tous cas positifs. UH: Quelle place occupe le luminaire dans l’offre Fly ?
MD: C’est selon moi une catégorie stratégique et pleine d’avenir. On a clairement travaillé ce segment sur cette collection et il le sera encore plus sur la prochaine collection, avec cette fois-ci la possibilité de personnaliser beaucoup plus nos produits. Nous avons d’ailleurs programmé pour la rentrée une petite lampe, Pix, qui est symbolique de ce changement de style et de gamme.
UH: La faible fréquentation des magasins est aujourd’hui une problématique majeure pour les acteurs du meuble. Quelles sont, selon vous, les solutions pour y remédier ?
MD: Notre façon de procéder est la suivante : nous avons terminé mi-juillet la remise à niveau des magasins, en ce qui concerne l’environnement, le service, les marchandises, la lisibilité, etc. Avec la sortie de notre catalogue au mois d’août, nous commencerons une communication plus ciblée et enfin, au 2e semestre, nous viendrons avec un plan média renforcé. Tout cela afin de créer du trafic, de manière suffisamment intéressante pour que les gens perçoivent les changements et qu’ils aient envie de venir chez Fly. La marque a une belle notoriété.UH: L’année 2013 annonce-t-elle, selon vous, une reprise de l’activité pour le marché du meuble ?
MD: Pour être franc, je ne sais pas. Sur notre marché, les indépendants souffrent beaucoup ainsi que le 4e quartile. Aussi vous avez un recentrage des marques vers le 1er, 2e et 3e quartile. Ensuite, on assiste à des promotions qui sont absolument ahurissantes, avec des taux de remise sur certaines catégories de produits jamais vus auparavant. Tout cela vient perturber les lectures que l’on peut faire. Je suis comme tout le monde, je constate, j’enregistre l’information et j’essaie de l’interpréter, de voir comment elle peut influencer mon propre business.
Par exemple, je pense qu’aujourd’hui le coût du m² commercial n’est absolument pas en rapport avec la situation économique. Et cela m’amène à dire qu’ouvrir des magasins de très grande taille, actuellement, comporte des risques. UH: La cuisine est-elle présente dans tous les formats de vos magasins ?
MD: Oui, à l’exception des magasins de moins de 1 800 m². Pourquoi ? Avec une telle superficie, le magasin peut proposer du meuble et de la cuisine. Plus difficilement du meuble, de la cuisine, de la décoration, des accessoires… UH: Dans ce cas, quelle est la surface idéale ?
MD: Il faut pouvoir réserver 250 à 300 m² à la cuisine. Nous avons environ 45 magasins qui peuvent s’aménager de la sorte. Nous avons donc revu notre stratégie… Sur les mois de mai et avril, nous enregistrons pour la cuisine une croissance à 3 chiffres en avril et à 2 chiffres en mai. Ce qui montre bien, dans un sens, que l’on vient de très loin. Nos ambitions restent donc mesurées. Nous n’avons pas l’intention de devenir le n°3 ni même le n°5 de la cuisine en France.UH: Quelles sont vos fournisseurs sur ce marché ?
MD: Aujourd’hui c’est EMK, fabricant français, mais nous allons lancer bientôt un test avec un autre fournisseur. C’est simple, nous faisons de la cuisine en kit, or une bonne partie du marché est concentré sur le « monté ». On a donc été obligé de repenser notre offre. Cela ne veut pas dire que l’on passe de l’un à l’autre, mais que sur un certain nombre de magasins, nous sommes capables de faire cohabiter 2 collections.UH: Que représente l’export dans le chiffre d’affaires de l’enseigne ?
MD: Globalement, à peu près 18 % actuellement, avec la Suisse.UH: Est-ce un enjeu stratégique ?
MD: A court terme non. Pour moi, le point d’ancrage n°1, c’est d’abord d’assurer la croissance en France. Mais nous pouvons avoir des contacts avancés avec des partenaires étrangers.