Comme chaque année, l’Ameublement français, la FNAEM et l’IPEA ont présenté ensemble les résultats du marché du meuble pour l’année écoulée. Après trois années de croissance, le marché voit son activité reculer de 2,7% en valeur en 2018, ce qui représente une perte de plus de 250 millions d’euros, pour s’établir à 9,50 milliards d’euros TTC. Seule la cuisine enregistre une progression sur les ventes. Tout comme l’an passé, la literie se situe juste derrière et reste stable. Néanmoins, les secteurs du meuble de salle de bains, du meuble de jardin et du meuble rembourré affichent un recul considérable, tandis que le meuble meublant enregistre la plus forte chute au cours de cette année 2018.
En rappelant la complexité du contexte actuel, Philippe Moreau, élu nouveau Président de l’Ameublement Français au mois de septembre dernier, a qualifié l’année 2018 comme une » zone de turbulences, appelant à la mise en oeuvre de multiples transformations «. Il donne ainsi une lueur d’espoir, possible grce à l’arrivée de nouvelles opportunités pour le secteur du meuble devant davantage passer par la personnalisation de l’offre et du service. » Après trois années de hausse, il y a un décrochage du marché assez important. Ce dernier se décompose en deux temps. Sur le premier semestre, le bilan chiffré était de -0,6% alors que sur le second semestre, ce décrochage est beaucoup plus prononcé, avec -4,6% en valeur, contrastant avec la progression de +8,5% connue entre juillet et septembre 2017. Le cumul de ces deux semestres équivaut à un recul de -2,7% pour l’année 2018 « précise Daniel Fontaine, président de l’Ipea. En effet, on constate que le second semestre a été nettement plus compliqué car le marché aura eu beaucoup de mal à composer avec un excellent troisième trimestre en 2017. Sur la période juillet-septembre, les ventes ont chuté de -6,0% et n’ont pas remonté la pente les mois d’après, en raison des mouvements sociaux des gilets jaunes qui on eu lieu en novembre et décembre 2018. Sur l’ensemble de l’année, ces chiffres s’expliquent aussi par la baisse du pouvoir d’achat, causée par la hausse de la CSG, du tabac et de la taxe sur les carburants. De plus, les dépenses de mobilier ne constituent pas la majeure partie des achats des ménages et l’année 2018 a été marquée par un retrait des mises en chantier, en recul de -7% par rapport à l’exercice 2017. Le marché du meuble fonctionnant sur une logique de cycles courts de deux à trois ans, ce recul de performances pour 2018 n’est donc pas étonnant, d’autant plus que les trois derniers exercices en progression représentaient déjà un succès assez rare. Mais le président de l’Ipea rappelle que » nous sommes revenus à un niveau légèrement inférieure à celui de 2016, presque équivalent. C’est un marché qui marche de façon sinusoïdale, même si nous sommes loin des années 2010-2011 qui ont connues un dynamisme spectaculaire «.
LA CUISINE, TOUJOURS EN CROISSANCE EN 2018
Par rapport aux autres familles de produits, le secteur de la cuisine reste fidèle à lui-même en enregistrant, tout comme l’an dernier, la meilleure performance du marché avec une croissance de +1,1%, pour s’établir à 2,60 millions d’euros TTC. Tout comme l’ensemble du marché, cette croissance est néanmoins ralentie par rapport aux exercices précédents (+4,0% en 2017 et +3,7% en 2016). Seule la cuisine n’est pas impactée par la baisse des mises en chantier. Mais la progression s’explique surtout grce à la croissance des spécialistes cuisine, déjà soulignée l’an passé, qui réalisent cette fois-ci un chiffre d’affaires de 1,34 milliards d’euros, et une avancée nette de +3,2%. » Ces derniers continuent d’animer fortement et régulièrement le marché et parviennent à développer un marché de renouvellement sur le segment de la cuisine intégrée, ce qui leur permet de résister aux aléas de l’immobilier « précise l’Ipea. Les enseignes de grande distribution, quant à elles, ont connu une année plus compliquée car elles se sont davantage enlisées dans une logique d’équipement. Malgré la baisse des mises en chantier prévue pour l’année 2019, le segment des meubles de cuisines apparaît comme l’un des seuls segments, avec la literie, apte à faire progresser les ventes pour l’exercice à venir.
LA LITERIE SE STABILISE
En 2017, la literie était passée derrière la cuisine alors que celle-ci avait toujours été en tête. Cette année, elle maintient ses ventes en restant stable, bien que son chiffre de 0% marque tout de même un ralentissement, comparé aux exercices des deux années précédentes (+3,0% en 2017 et +5,5% en 2016). Une baisse qui s’explique en partie par » une inversion des rapports de force entre les spécialistes literie et les enseignes de la grande distribution, ces dernières n’enregistrant plus les meilleures performances « selon l’Ipea. Cette inversion peut être due à la multiplication d’opérations promotionnelles chez les acteurs de la grande distribution ameublement. Mais la literie n’a pas dit son dernier mot et conserve son potentiel : » le développement des ventes de literie de plus grande taille, avec des matelas de 160 cm et plus, qui constitue maintenant un tiers des ventes en valeur de matelas, ou d’offres commerciales alternatives avec par exemple le développement de l’offre de location avec option d’achat, entretiennent le potentiel de croissance du circuit « souligne l’Ipea.
LE MEUBLE DE SALLE DE BAIN
Le marché affiche de nouveau un recul de ses ventes assez marqué de -3,9%, par rapport à -1,6% en 2017. Etant le marché le plus impacté par les aléas des mises en chantier de logements neufs, cette baisse est intrinsèquement liée à la décroissance de l’immobilier. Elle s’explique également par le recul d’activité des grandes surfaces de bricolage, qui jouent un rôle prépondérant dans la vente de meubles de salle de bain, et qui ont maintenu ce secteur pendant des années.
LE MEUBLE DE JARDIN
Secteur largement impacté par la météo, le meuble de jardin voit ses ventes reculer de plus de 4% en 2018, alors que celui-ci avait exprimé une croissance de 2% en 2017. Cette année, la météo n’a pas été clémente au mois de mars, et les beaux jours ont mis du temps à arriver avec un déficit d’ensoleillement dans le sud durant tout le printemps. Ce début de saison difficile aura été fatidique pour l’ensemble de l’année, et même si l’été fut davantage clément par la suite, cela n’a pas modifié la régression du secteur.
LE MEUBLE REMBOURRé
Alors que le siège (canapés, fauteuils et banquettes) connaissait une progression constante depuis plusieurs années, ce segment voit à présent ses ventes chuter lourdement, avec une baisse de -4,7% contre +1,5% en 2016 et +2,3% en 2017. Les écarts de performance sont notables entre la banquette, de plus en plus en retrait car son premier concurrent, le canapé convertible, lui prend des parts de marché, et le canapé et le fauteuil, qui enregistrent des résultats un peu plus satisfaisants.
LE MEUBLE MEUBLANT
Premier marché du secteur du meuble en valeur, le meuble meublant enregistre en 2018 la plus forte chute de son activité avec une baisse de -5,2%, et passe, pour la première fois, sous la barre des trois milliard d’euros. Selon l’Ipea, cela émane du fait que » le meuble meublant constitue, avec le rembourré, le marché principal des enseignes de l’ameublement milieu haut de gamme, et leurs difficultés de l’année se répercutent fortement sur les résultats du segment «. Certains produits sortent néanmoins du lot, tels que le mobilier pour chambre de bébé, ainsi que les meubles d’appoint.
La grande distribution en baisse, l’e-commerce non épargné
Contrairement aux spécialistes cuisine, la grande distribution ameublement est loin d’avoir réalisé de bonnes performances en 2018, avec une chute de -3,9%. Cette contre-performance ne peut s’expliquer sans évoquer le départ de l’acteur historique Fly, qui impose une restructuration du secteur. Il est donc temps de changer, et d’adopter de nouvelles stratégies comme l’ont déjà fait certains magasins en rajoutant une offre déco, ou en déployant des magasins discount. Estimé à 14% de la valeur du marché, avec la moitié de cette activité réalisée par des pure-players, et l’autre moitié réalisée par la distribution physique qui s’y est mise, le e-commerce voit sa croissance ralentir. » Les acteurs qui ont des magasins se sont réellement mis à entrer en contact avec l’internaute. Mais on remarque un essoufflement de cette dynamique e-commerce, qui doit trouver des relais de croissance et une autre histoire à raconter en créant de la valeur sur les ventes en ligne « souligne Christophe Gazel. Cette omnicanalité représente ainsi l’arme de demain pour l’ensemble de la profession, qui parviendra peut-être à retrouver un cycle positif en passant par ce nouvellement nécessaire.
L’export devient une priorité pour les industriels de l’ameublement
» Le marché mondial représente 400 milliards d’euros. Ainsi, il y a des possibilités de développement considérable pour nos entreprises françaises, sur l’ensemble des continents : en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Nous avons un atout extraordinaire avec une culture d’environ 300 ans d’art de vivre à la française ! Nous notons par ailleurs une ouverture culturelle relativement récente, qui permettra de renouveler l’ameublement français à l’étranger. Cette nouvelle dynamique porte en effet ses fruits, avec une légère croissance de 1,3%. Mais nous sommes convaincus que celle-ci donnera de très bons résultats dans les années à venir « relate Philippe Moreau. Pour les industriels, l’export représente une source de développement fondamentale qu’il faut prendre en compte à l’heure actuelle. En parlant au nom de la distribution, Patrick Prigent, vice-président de la FNAEM et président de la commission sociale, explique » qu’en matière d’image, l’art de vivre et l’ameublement à la française sont un succès à l’étranger «. Cette présence internationale pourrait effectivement représenter une belle perspective d’avenir, mais nécessite avant tout que le marché se renforce davantage en France, afin d’acquérir une notoriété certaine à l’étranger.
Une mesure de déblocage de PEL pour sauver les meubles
Les acteurs de la filière de l’ameublement appellent le gouvernement à autoriser un déblocage partiel et temporaire du plan épargne logement (PEL) pour acheter des meubles neufs, afin de favoriser le pouvoir d’achat des Français et relancer le secteur. » Comme nous entamons un nouveau cycle de décroissance, il nous appartient de nous donner les moyens pour qu’il soit le plus court possible, et que l’on retrouve cette force d’antan « déclare Patrick Prigent. Tous les Français expriment le désir d’être bien chez eux, et d’avoir un intérieur qui leur ressemble. Mais comme évoqué plus haut, ces derniers ne disposent pas des moyens nécessaires. Ce déblocage peut donc représenter un élément de réponse possible et positif pour l’économie française, pour les cinq raisons ci-dessous :
- Elle garantira le maintien de l’emploi en France, tant dans la fabrication que dans la distribution, en créant environ 5 000 emplois ;
- Elle est positive pour les finances publiques puisqu’elle ne coûtera rien à l’Etat ;
- Elle n’a aucune incidence négative sur l’investissement immobilier puisque le PEL est désormais de moins en moins utilisé pour financer l’achat d’un bien immobilier ;
- Elle n’aura pas d’impact sur le déficit extérieur de la France car la majorité des meubles vendus sont fabriqués en France ;
- Elle dispose d’un périmètre précisément défini, et étroitement sécurisé puisqu’il s’agit de produits d’équipement durables lié à un investissement immobilier.