Une météo exécrable, conjuguée à une période d’incertitudes politiques, a couronné en juin un 1er semestre 2024 peu souriant. Selon Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, l’enjeu est d’agir pour un commerce qui donne envie, l’envie étant un moteur puissant de la consommation.
Le 1er semestre 2024 s’est révélé peu prospère pour le commerce spécialisé, même si le chiffre d’affaires des magasins traduit globalement une hausse de 2,5%. « La croissance se situe exactement au niveau de l’inflation sur la période, avec une activité qui stagne. Les ventes web suivent une tendance légèrement supérieure à + 3,5%. Mais, ces moyennes cachent de grandes différences sectorielles », commente Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. Au total, les ventes cumulées web + magasin s’affichent à +2,9 % sur le semestre.
La maison sous tension
Comme la chaussure (- 6,1 % en magasin) et l’habillement (- 4,8 %), l’équipement de la maison est particulièrement pénalisé par un climat morose. En témoigne une baisse de 3 % sur le semestre. Toutefois, Procos remarque que certains secteurs tels que le meuble ou la décoration rencontrent des contractions encore très supérieures. De même que le bricolage, sous l’impact « des difficultés continues du marché de l’immobilier et des tensions en relation avec le comportement des consommateurs à la suite d’une l’inflation élevée. » Certaines activités, notamment le jardinage, subissent également les aléas météorologiques. Bien qu’en tendance également négative, l’électroménager se porte légèrement mieux. 60 % des enseignes du secteur de la maison, comprises dans le panel Procos, affichent ainsi un chiffre d’affaires en évolution négative, sur le semestre. « Le retour à un marché plus dynamique prendra du temps du fait des taux d’intérêt qui restent très élevés même s’ils se réduisent un peu et, surtout, des forts blocages de la construction. Notons toutefois que, comme dans d’autres secteurs tels que l’habillement, les acteurs maison positionnés sur un niveau de prix plus bas, voire discount, surperforment le marché. C’est le cas de la décoration, dont une partie du marché est captée par les discounteurs non alimentaires. »
Un mois de juin anxiogène
Pour l’ensemble du commerce spécialisé, l’observation des 6 premiers mois de l’année montre que 2024 a démarré fort mal, avec des soldes qui n’ont pas suscité d’engouement. « Les consommateurs sont restés très marqués par l’impact psychologique de la très forte inflation de 2022/2023, avec ses conséquences sur le pouvoir d’achat et le comportement de consommation. » Mieux orienté, mars n’a pas confirmé très longtemps le redressement des activités, fruit surtout de décalages calendaires, qui se sont ensuite répercutés négativement sur le mois d’avril.
Après des ventes, en mai, un peu plus soutenues, mais marquées par de fortes différences sectorielles, le semestre n’a pas pu compter sur juin pour relever la tête. Non seulement, la météo peu souriante n’a pas incité les consommateurs à faire des achats, mais surtout « la décision de dissolution de l’Assemblée nationale a immédiatement impacté la consommation et sans doute créé une période d’incertitude, de préoccupation jusqu’aux résultats du 7 juillet, voire pour plusieurs semaines. » Plus de la moitié de juin s’est déroulée dans une période anxiogène et incertaine, très défavorable à l’acte de consommer, touchant ainsi tous les achats qui peuvent être reportés.
Si, sur le semestre, la fréquentation des magasins a baissé en 2024 par rapport à 2023, la régression est particulièrement forte en juin (- 6,1 %). Les ventes magasins flirtent avec le négatif, à – 0,3 % sur ce mois, par rapport à la même période 2023. Le secteur de la maison fait de nouveau partie des univers les plus touchés (-3,5 %), toujours derrière l’habillement (- 4,3 %) et la chaussure (- 7,3 %). Du côté des ventes web, les évolutions sont comparables à celles des magasins en juin, avec un -4 % sur le secteur de la maison et un – 0,9 % pour l’ensemble du commerce spécialisé.
Et de nombreuses d’incertitudes
Selon Procos, la baisse de l’inflation (2,1 % en juin) est en mesure de rassurer une partie des consommateurs et de lever progressivement le stress créé par celle de 2022/2023. Néanmoins, les dépenses contraintes pèsent toujours sur le budget des ménages et des arbitrages existent, souvent défavorables aux produits non alimentaires. Les projets d’investissement (équipement maison, cuisine…) sont reportés. « Nous devons faire face, être agiles et nous adapter en souhaitant un retour rapide à la confiance, à une situation sereine qui nous permettra de construire l’avenir du commerce », souligne André Tordjman, président de Procos. Qui ajoute : « Dans nos secteurs, les niveaux de stocks élevés mettent sous tension les trésoreries, et si l’on associe cette situation aux incertitudes de l’activité pour les prochains mois, il est évident que les entreprises ont rapidement besoin que soit mis en œuvre le protocole signé entre les représentants des commerçants et des bailleurs en matière de mensualisation des loyers. » Heureusement, cet accord existe. Il ne reste qu’à le rendre opérationnel et il est nécessaire de le faire rapidement pour permettre aux commerçants d’affronter au mieux cette période et d’investir sur un commerce qui donne envie.
Agir pour un commerce qui donne envie
Lors de sa journée annuelle du 20 juin, qui a réuni différents acteurs du commerce, Procos a mis en avant sa nouvelle ambition : agir pour un commerce qui donne envie, en magasin ou en digital, aux collaborateurs actuels et futurs, qu’il soit situé dans les centres-villes comme dans les centres commerciaux. Pour la fédération de la promotion du commerce spécialisé, l’envie est un moteur de la consommation : « Le consommateur n’a besoin de rien sauf s’il en a envie ».
L’objectif est bien d’avoir une vision positive de l’avenir du commerce et ses rôles dans la société. Procos rappelle que la construction d’un commerce qui donne envie réclame d’en créer les conditions. Au lendemain des élections, elle insiste sur l’importance de travailler avec un ou une ministre du commerce dans le but de co-construire une politique publique du commerce, indispensable sur le plan économique, social mais aussi sociétal, compte tenu de la place du commerce dans la vie locale. D’où l’importance aussi de poursuivre le rythme des échanges au niveau du Conseil National du Commerce, jugé comme une instance essentielle car elle permet le travail collectif de tous les acteurs, des pouvoirs publics et des administrations. Procos réaffirme « l’impérieuse nécessité » d’assurer l’équité concurrentielle entre les acteurs, en particulier vis-à-vis des grandes plateformes internationales et le caractère central des équipes des enseignes « auprès desquelles il faut investir, qu’il faut séduire, former, rémunérer, récompenser et faire évoluer. »
Cette démarche passe aussi par une réflexion collective sur les lieux de commerce, chacun avec ses compétences mais pour l’intérêt collectif et un commerce dynamique qui contribue à la qualité des villes et territoires. Pour finir, il s’agit de travailler sur certains éléments du modèle économique du commerce « pour que le niveau de charges soit supportable, que les capacités d’investissement et de financement soient dégagées, afin que l’énergie maximale porte sur l’innovation et la création de valeur pour un commerce attractif et responsable. »
CA du commerce spécialisé et de l’équipement de la maison
1er semestre 2024
+ 2,5 % : CA des magasins du commerce spécialisé.
– 3 % : CA des magasins de l’équipement de la maison.
– 2,9 % : CA des ventes web de l’équipement de la maison.
Juin 2024 vs. 2023
– 6,1% : fréquentation des magasins du commerce spécialisé.
– 0,3 % : CA des magasins du commerce spécialisé.
– 3,5% : CA des magasins de l’équipement de la maison.
