En 2024, les intentions d’achats des Français pour l’aménagement de leur habitat sont bien orientées. Ce marché devra toutefois composer avec un budget contraint, un marché de l’immobilier en berne, mais aussi la concurrence représentée par les travaux menés pour réduire la facture énergétique. Le mot-clé sera donc arbitrage, y compris entre le neuf et l’occasion. De nouveaux enjeux à prendre en compte. Synthèse de l’étude annuelle Profil réalisée par l’IPEA pour Sofinco.
Par Agnès Richard
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En 2024, 18 millions de Français envisagent de faire des achats pour leur maison, soit 61 % des ménages. Profil 2024, l’enquête Sofinco/IPEA, menée auprès 6 000 ménages français du 24 novembre au 7 décembre 2023, donne de l’espoir à un marché de l’équipement de la maison pourtant bien chahuté, dans un contexte général de réduction du pouvoir d’achat et d’arbitrages de consommation.
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Des orientations d’achat favorables, notamment pour les fenêtres, l’isolation, le chauffage, l’extérieur et la cuisine
Pour les auteurs de l’étude, l’enjeu 2024 se révèle important. « Une chose est sûre, quand 77 % des Français disent que la situation économique et sociale les pousse à passer plus de temps dans leur logement, on comprend qu’il va falloir accélérer l’omnicanalité… pour ne pas rater le début d’un parcours d’achat qui se passera encore plus dans un canapé, confortablement installé en famille », assure Christophe Gazel, directeur général de l’IPEA – Institut de la Maison.
Les fenêtres, l’isolation et les systèmes de chauffage sont l’objet des intentions d’achat les plus fortes, reflétant des envies d’économie et de confort. « Plus faibles, les intentions d’achat concernant l’aménagement extérieur montrent que ce besoin d’un espace extérieur ‘à vivre’ est là, boosté par les périodes de confinement qui ont frustré les Français dépourvus d’espaces extérieurs ou d’aménagements dignes de ce nom. »
Autre espace de la maison obtenant un arbitrage favorable en 2024, la cuisine retrouve des couleurs après une année 2023 d’ajustement. « Reflet croissant du fait que la cuisine accroît son rôle de ‘pièce à vivre’, les intentions d’achat portent à la fois sur la cuisine intégrée et sur les ‘meubles mobiles’ comme les tables, chaises, tabourets et petits meubles », précise l’étude. Côté literie, canapés, salle de bains, mais aussi domotique et climatisation, le mouvement est aussi plus favorable qu’en 2023.
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Des prévisions d’achat stables pour les téléviseurs et les meubles, et en baisse pour l’électroménager
En revanche, alors que les Jeux Olympiques se profilent, les envies de nouveaux téléviseurs sont stables, de même que les intentions d’achat de tables, chaises (hors cuisine) et bureaux. « Sur ces derniers, l’important équipement post-Covid lié au télétravail explique cette pause », justifient les experts.
La situation est plus délicate pour l’électroménager et l’informatique, pour lesquels les intentions d’achat sont en baisse : « Cette baisse sera à gérer avec la montée en puissance de l’occasion et de la réparation, ce qui implique que les distributeurs devront accentuer leurs efforts sur la réparation pour répondre aux attentes du consommateur. Nul doute que le doublement du montant du bonus réparation pour les lave-linge, lave-vaisselle, sèche-linge, aspirateurs et téléviseurs effective depuis le 1er janvier 2024 aura un impact sur la vente de produits neufs », espère l’équipe de l’étude Profil.
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Des magasins qui conservent une place centrale pour pouvoir voir, toucher et acheter les produits
Quels que soient les produits, sauf la domotique, ces achats seront souvent effectués en magasin. Ce qui n’empêche pas des allers-retours réguliers entre Internet et le magasin. 42 % des consommateurs sont même tentés d’acheter davantage ligne. « C’est à chaque professionnel de déployer ses cartes, son savoir-faire pour présenter, expliquer, convaincre le consommateur tout au long de son parcours d’achat. » Évidemment, la grande distribution préempte une partie des intentions d’achat de mobilier, comme 64 % des tables ou chaises, 59 % des canapés et 58 % de la literie, tandis que les grandes surfaces de bricolage pèsent sur 76 % des revêtements de sols et murs et 53 % du jardin.
Les spécialistes sont aussi plébiscités, par 40 % des acheteurs potentiels d’électroménager et 31 % des futurs acheteurs de téléviseurs. « Alors que l’on pourrait s’attendre à un besoin de conseils du vendeur, les Français ne mettent pas en avant ce type de service, puisqu’ils sont 70 % à dire pouvoir s’en passer. Donc quand le consommateur indique qu’il achètera plus en magasin qu’en ligne cette année, c’est vraiment pour pourvoir toucher le produit, se rendre compte des dimensions, des finitions plutôt que pour avoir les conseils d’un professionnel », explique le rapport. Ce sujet remet en cause un des services fondamentaux permettant de maintenir voire d’accroître la valeur des produits. « Quand le consommateur a peur de se tromper, il se désimplique financièrement et à tendance à se diriger vers les produits les moins chers. La montée en gamme passe donc par de l’accompagnement, de l’humain. La formation des équipes de vente devient un des axes essentiels de développement pour les enseignes. »
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La seconde main et la réparation continuent de progresser en France, en particulier sur l’ameublement
53 % des Français interrogés songent toutefois à réduire leurs dépenses en biens d’équipement. « Face à un consommateur qui veut ‘tenir son budget’, le mot d’ordre de 2024 sera donc arbitrage », lancent les experts. Phénomène marquant, les arbitrages de consommation dans l’équipement de la maison se font aujourd’hui aussi entre le neuf et l’occasion. De même, les ménages préfèrent réparer leurs équipements plutôt que de les remplacer.
34 % des Français sont prêts à recourir à la seconde main pour au moins un de leurs achats, alors qu’ils étaient 29 % en 2023. « Ces ménages sont prêts à acheter 1,6 produit d’occasion en moyenne, soit la même proportion que l’année précédente, ce qui se traduit par une croissance des achats d’occasion. » Cette progression est forte sur le mobilier comme les tables, les chaises ou les bureaux, avec près de 40 % des futurs acheteurs, comme pour les produits de décoration, les aménagements extérieurs et les téléviseurs.
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Favorisées par le contexte général de sobriété, les offres d’occasion sont de plus en plus attendues en magasin
Cette démarche est globalement guidée par des raisons financières, plus qu’écologiques. Ainsi, les 2/3 des ménages qui réaliseront un achat d’occasion souhaitent dépenser moins et faire une bonne affaire. Plus précisément, près de 40 % des consommateurs de meubles d’occasion vont acheter un produit de seconde main, car ils n’ont pas le budget pour acheter le produit neuf. La motivation écologique est toutefois citée par 40 % d’acheteurs.
À noter que pour près de la moitié des ménages, le réflexe de l’occasion pour l’équipement de la maison passe par le web. « Alors que l’offre en magasin reste réduite, ils sont 25 % à souhaiter y trouver des produits d’occasion en 2024 ; ce qui montre que le chemin est encore long pour structurer une offre de seconde main réclamée par le consommateur. À voir si les accords passés entre certaines enseignes et des start-up faciliteront l’accès à l’occasion par le biais des points de vente dès cette année », analyse l’équipe de l’enquête Sofinco/IPEA.
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Des professionnels qui doivent parvenir à susciter l’envie chez les consommateurs de réaménager leur logement
Pour capter ce consommateur plus malin, l’enjeu pour tous les professionnels de l’équipement de la maison sera de donner envie de s’équiper ou de renouveler l’aménagement de son logement, et d’élargir sa cible, sans négliger les 35 % des propriétaires de résidence secondaire qui déclarent qu’ils feront un achat pour ce logement en 2024 (+ 4 points vs 2022). « Côté renouvellement, il faudra jouer sur plus de confort, sur plus d’ergonomie ou sur un changement de style », conseillent les experts.
Les fondamentaux pour la maison sont effectivement bien là, même si 41 % des Français arbitrent toujours en faveur des loisirs, quand ils le peuvent, ou en faveur de temps passé en dehors du foyer plutôt que de rester chez eux (31 %). Le rôle de l’omnicanalité est majeur, car le projet commence souvent en ligne. Néanmoins, il doit être encore largement ‘validé’ par l’expertise d’un professionnel. « D’une maison meublée, on se dirige vers une ‘maison agencée’. Les aménagements sont de plus en plus issus de configurateurs, pour se rapprocher du sur-mesure et optimiser des murs entiers, comme l’univers de la cuisine sait si bien le faire. Cet agencement de la maison touche peu à peu toutes les pièces, du salon-séjour aux chambres en passant par l’entrée, le garage ou le sous-sol quand il y en a », explique l’étude Sofinco/IPEA.
Il s’agit aussi d’inciter à de nouveaux équipements auxquels les consommateurs n’auraient peut-être pas pensé. « Pour 2024, les dés ne sont pas jetés, car il reste à chaque acteur à animer son marché pour attirer et inciter ce consommateur versatile qui consommera si et seulement s’il en a l’envie et les moyens, en arbitrant par rapport à d’autres dépenses et/ou en utilisant le financement. » ∎
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La cuisine, un potentiel fort et réaliste
Certains marchés cachent encore un potentiel important, comme celui de la cuisine intégrée, puisque 2,5 millions de consommateurs déclarent vouloir s’équiper en 2024. C’est plus qu’en 2023, où ils n’étaient que 1,8 millions. « Attention toutefois aux différences qui existent entre les désirs des ménages et la réalité du marché. Même lors de ses meilleures années, il ne s’est jamais vendu plus de 1,5 millions de cuisines intégrées sur le marché. Il est donc peu probable que tous les ménages qui veulent s’équiper passent à l’acte », précisent les experts. L’étude Profil Sofinco/IPEA relève que ce chiffre d’intentions d’achat est à contre-courant du marché, ce dernier ayant enregistré un de ses plus forts reculs d’activité en 2023. « De nombreux ménages ont reporté leurs achats, ce qui explique cette forte croissance des Français qui ont pour projet de s’équiper ou de se rééquiper. » 13 % des ménages qui ne possèdent pas encore de cuisine intégrée souhaitent en acheter une en 2024, alors que 7 % des ménages déjà équipés souhaitent la renouveler.
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La rénovation, le chauffage et l’isolation, sources d’économies, ont le vent en poupe
La dimension écologique est une source de motivation, mais jamais très loin de l’aspect économique. En 2024, 50 % des propriétaires ont l’intention d’effectuer des travaux d’aménagement ou de rénovation de leur logement, soit quasiment autant qu’en 2023. Si les travaux qui dominent ces 2 dernières années sont principalement ceux d’embellissement, via le renouvellement de la peinture ou des papiers peints, le second poste pour 2023 fut le système de chauffage. En 2024, ce sera l’isolation.
De nombreux ménages déclarent avoir changé leur système de chauffage en 2023 (12,5 %) alors que 47 % des propriétaires de maison comptent effectuer des travaux dans l’année à venir. Les coups de pouce de l’État ou les communications efficaces des professionnels jouent leur rôle pour inciter les propriétaires à engager des travaux qu’ils n’avaient pas prévus.
Le second projet de travaux que mèneront les ménages en 2024 concerne l’isolation intérieure et extérieure de leur logement. La pompe à chaleur remporte tous les suffrages auprès des ménages français propriétaires de leur maison. Elle arrive en tête à la fois chez les ménages ayant changé leur chauffage en 2023, mais aussi chez ceux qui comptent le faire en 2024, loin devant le chauffage au bois, second système installé en 2023, et le chauffage électrique, second système qui sera installé en 2024.
93 % des propriétaires de maison effectuent le plus souvent les travaux de rénovation de leur logement eux-mêmes. En revanche, dès qu’il s’agit de travaux importants et surtout techniques, comme les travaux d’économie d’énergie, ils sont près de 98 % à avoir besoin des conseils d’un professionnel.